Photographie (10) La profondeur de champ

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De la profondeur de champ à l’hyperfocale, le cercle de confusion, diaphragme et ouverture, l’hyperfocale, utilisation d’un table de profondeur de champ, échelle de profondeur de champ

De la profondeur de champ à l’hyperfocale

Profondeur de champ
Profondeur de champ

Quand on débute en photographie, on est en droit de penser que le seul rôle du diaphragme d’un objectif est celui d’un robinet à lumière. Ce n’est pas tout à fait exact. Un des premiers fondamentaux en photographie est de savoir que le diaphragme est aussi un robinet à profondeur de champ (PdC *). Plus le chiffre du diaphragme est élevé, plus la profondeur de champ est importante.

Cet article se propose de vous apporter les éléments indispensables pour maîtriser cette profondeur de champ si utile quand on veut isoler son sujet dans l’espace pour capter le regard de l’observateur ou donner du volume à une scène. Seront étudiées les notions clés que sont le concept de netteté, la longueur focale d’un objectif, les valeurs d’un diaphragme, le cercle de confusion (CdC *) et la distance Hyperfocale.

(*) On peut parler de « PdC » pour Profondeur de Champ et de « CdC » pour Cercle de Confusion.

Profondeur de Champ
Profondeur de Champ

On voit assez clairement sur cette photo prise à Ferrassières (Drôme) que la netteté s’estompe entre les pieds de lavande du premier plan et la colline verte qui ferme l’horizon. Curieusement, personne ne peut affirmer que le premier plan est parfaitement net alors que tout le monde s’accordera à dire que cette borie provençale, avec sa muraille de pierres sèches, est légèrement floue. Pourquoi ?

Parce que la netteté n’existe pas en tant que telle. Pas plus qu’un sentiment comme la peur ou la douleur, on ne peut la quantifier. Il s’agit d’un sentiment subjectif. En termes de mathématiques, on dirait que la netteté est une courbe par rapport à une asymptote dont chacun peut s’approcher plus ou moins selon ses exigences et ses capacités visuelles, mais que nul ne peut atteindre.
Lorsqu’on fait la mise au point sur un sujet à l’aide d’un dépoli, d’un télémètre à coïncidence, sur une couronne (Fresnel, micro-prismes ou stigmomètre) ou à l’aide d’un système AF (autofocus), on décide d’une plage de netteté dans la profondeur, mais l’œil humain est bien trop imparfait pour dire où se trouvent les plans avant et arrière nets de cette plage.

Quand on parle de profondeur de champ, on se base le plus souvent sur une construction géométrique appelée « cercle de confusion » qui a un rapport direct avec la netteté. De quoi s’agit-il ?

Aigle
Aigle

Grâce à la présence d’un plus grand nombre de fovéas que chez l’homme, l’œil de cet aigle pêcheur lui permet de distinguer une proie jusqu’à 1 kilomètre de distance (les fovéas agissent comme des loupes à fort grossissement : de 6 à 8 fois).

Un œil humain parfait, donc dénué de tout trouble de la réfraction, a une acuité visuelle de 10/10 s’il a un pouvoir séparateur d’une minute d’arc. Dans ce cas, on parle d’un œil « emmétrope ». Pour illustrer cet angle, disons qu’il correspond à deux lignes séparées d’un millimètre observées à une distance de 3,5 mètres. Un œil emmétrope distinguera les deux lignes, tandis qu’un œil imparfait n’en verra qu’une, les deux étant confondues.

En photographie, la valeur de la profondeur de champ est proportionnelle à la taille (longueur de la diagonale) du film ou du capteur utilisé. Elle se calcule en microns ou en millimètres. On en a impérativement besoin pour calculer ensuite la distance hyperfocale qui est, pour un objectif et une ouverture donnés, la distance de mise au point offrant la plus grande profondeur de champ possible.

Mais comment calculer la valeur d’un cercle de confusion pour pouvoir l’utiliser ?

Calcul de la valeur d’un cercle de confusion

Pour calculer la valeur d’un cercle de confusion C on utilise généralement la formule de Zeiss :

Formule de Zeiss
Formule de Zeiss

Cette formule donne les profondeurs de champ pour les différents types de capteurs actuels du marché. Les formats de trop petite taille ne figurent pas dans ce tableau :

Différents types de capteurs
Différents types de capteurs

On voit à la 3ème ligne du tableau que la profondeur de champ d’un capteur plein format (Full frame en anglais) est égale à 0,025 mm, soit 25 microns.

Pour pouvoir élaborer le calcul de la distance Hyperfocale « H » qui est, rappelons-le, la distance de mise au point qui permet d’obtenir la plus grande profondeur de champ possible, il faut savoir comment fonctionne le diaphragme d’un objectif.

Diaphragme de l’objectif
Diaphragme de l'objectif

Le diaphragme et les ouvertures

Diaphragme
Diaphragme

Un objectif, en ouvrant à f/1 est très lumineux. Il possède 10 crans entre f/1 et f/22. Ainsi, lorsque l’objectif est ouvert à f/11, on peut encore le fermer de 2 crans (stops) ou l’ouvrir de 7 crans. Pourquoi ces chiffres bizarres (1, 1.4, 2, 2.8…) et à quoi correspondent-ils ?

Diaphragme
Diaphragme

Ces chiffres n’ont pas été choisis de façon arbitraire, ils correspondent à une suite géométrique de raison 1,414 qui est la racine carrée de 2. Ainsi le diaphragme le plus fermé est égal à 22 (1,414 puissance 9). Les valeurs sur la 3ème ligne du tableau ci-dessus sont les arrondis standards qu’on trouve sur les objectifs.

Pourquoi 1,414 ?

Parce qu’on travaille en surface d’ouverture. Chaque fois qu’on ouvre le diaphragme d’un stop on double la surface d’ouverture, donc la quantité de lumière entrant dans la chambre. La surface d’ouverture à f/2.8 est 2 fois plus importante qu’à f/4.
La réciprocité est vraie, quand on ferme d’un stop, il entre 2 fois moins de lumière dans la chambre. Nous avons maintenant tous les éléments en main pour parler du calcul de l’hyperfocale « H ».

Calcul de l’hyperfocale

Calcul de l’hyperfocale
Calcul de l'hyperfocale

Vu la complexité de ce calcul, on est en droit de se poser deux questions :

  • à quoi sert la distance hyperfocale ?
  • peut-on contourner ce calcul en faisant plus simple ?

À quoi sert la distance hyperfocale ?

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas en faisant la mise au point sur un sujet visible à l’infini qu’on obtient la plus grande profondeur de champ possible, mais en la faisant sur la distance hyperfocale H. D’où la nécessité d’en connaître la valeur quand les circonstances l’exigent. Par exemple, pour photographier un peloton de course cycliste ou le départ d’une course nautique.
Cela est encore plus vrai lorsqu’on veut une zone de netteté précise comportant un plan avant et un plan arrière. En nature morte, par exemple.

Peut-on faire plus simple ?

Fort heureusement, il existe de nombreuses solutions pour cela. On peut utiliser :

  • une table de profondeur de champ pour une focale donnée
  • une échelle de profondeur de champ lorsqu’il y en a une sur l’objectif utilisé
  • un calculateur de profondeur de champ sur Smartphone
  • la méthode optique lorsqu’on a une bonne vue

La plupart des photographes utilisaient l’échelle de profondeur de champ des objectifs, mais elles ont pratiquement disparu depuis l’avènement de l’autofocus. Aujourd’hui, on se sert de la méthode optique pour le paysage ou du calculateur de profondeur de champ de plus en plus souvent intégré au firmware des boîtiers.

Utilisation d’une table de profondeur de champ

La page de la table de profondeur de champ (PdC) ci-après concerne l’objectif Sonnar f/2 de 85 mm du Contarex « Bullseye » de Zeiss Ikon. On voit qu’à une ouverture de f/11 une mise au point de 15 mètres offre une profondeur de champ de 7,05 mètres à l’infini.

Utilisation d’une table de profondeur de champ
Utilisation d'une table de profondeur de champ

Vous noterez que Carl Zeiss, le père de la formule, utilise ici un cercle de confusion (CdC) de 0,05 mm. En fait, deux tableaux accompagnent chaque objectif, le premier pour un CdC de 0,025 mm et le second pour 0,05 mm. C’est dire combien les formules mathématiques utilisées pour calculer la profondeur de champ sont imprécises. Néanmoins, la valeur de CdC de 0,025 mm est la plus courante aujourd’hui pour le format 24×36 (plein format).

Le principal inconvénient de ce système était de contraindre le photographe à avoir un tableau de ce type par objectif dans son sac !

L’échelle de profondeur de champ de l’objectif

Échelle de profondeur de champ
Échelle de profondeur de champ

On trouve une échelle de profondeur de champ (PdC) sur certains boîtiers. Ici sur le télémétrique FOCA (O.P.L.) on a un système de courbes assez ingénieux. On place le symbole (infini) sur l’ouverture, ici f/8, on suit la courbe et on voit qu’elle tombe en gros sur le repère des 5 mètres. À cette ouverture, l’image sera nette entre 5 mètres et l’infini.

Biometar 80 Carl Zeiss Jena
Biometar 80 Carl Zeiss Jena

Sur ce Biometar f/2,8 de 80 Carl Zeiss Jena, le système est plus courant. Pour une ouverture de f/11 on place le symbole (infini) sur 11 et on voit à gauche que le 1ere plan net sera à environ 4,30 mètres et à droite à l’infini.

Un calculateur de profondeur de champ sur smartphone

Calculateur de profondeur de champ sur smartphone
Calculateur de profondeur de champ sur smartphone

Il existe aujourd’hui des applications qui permettent de calculer la profondeur de champ dans toutes les situations. Ici il s’agit de l’application SetMyCamera.

Il suffit d’entrer le modèle de son appareil photo pour avoir la longueur de la diagonale de son capteur, de sélectionner la focale de l’objectif monté sur le boîtier et d’entrer une ouverture. Le calculateur retourne la valeur de la distance hyperfocale H (ici 10,28 mètres).

  • si on fait la mise au point sur cette valeur H, on obtient la distance du premier plan net (P1 = 5,14 mètres) et de l’arrière-plan net (P2 = infini)
  • si on fait la mise au point sur un sujet précis (ici à 5 mètres) on obtient les distances de netteté : P1 = 3,37 mètres et P2 = 9,54 mètres

La méthode optique

La règle à retenir : ce n’est pas en fermant complètement son diaphragme et en faisant la mise au point sur un détail visible à l’infini qu’on obtient la plus grande profondeur de champ possible.

Alors, comment faire ?

La méthode optique permet d’obtenir la plus grande profondeur de champ possible entre un premier plan P1 et un arrière-plan P2 situé à l’infini. Elle nécessite une bonne vue (éventuellement corrigée) et un boîtier correctement réglé en dioptrie.

  • a) on fait la mise au point sur un détail qui se trouve à l’infini ꝏ. Ici, la cheminée entourée en rouge à l’arrière-plan. On prend une 1ère photo. A l’aide du zoom de l’appareil photo, on grossit l’image pour détecter le 1er plan net. Ici, il s’agit de l’arête du toit entourée en bleu (à 70 m environ). Il s’agit de la distance hyperfocale H
  • b) on fait la mise au point sur ce repère et on prend la photo définitive

Mise au point
Mise au point

Cette méthode en deux temps, très simple à retenir, permet d’avoir une photo nette entre un premier plan qui se trouve en gros à mi-distance entre le photographe et le repère (70 / 2 = 35 m), et l’ arrière-plan qui se trouve à l’infini.

Mise au point
Mise au point

Elle présente l’avantage de ne nécessiter aucun moyen particulier, ce qui est aujourd’hui d’autant plus utile que les objectifs n’ont plus d’échelle de profondeur de champ gravée sur le fût. Son seul inconvénient est de poser des problèmes aux personnes portant des lunettes et pouvant avoir, de ce fait, des difficultés pour bien repérer le premier plan net.

Cet article écrit par Michel Rohan est reproduit avec son aimable autorisation. Lien vers le site de Michel Rohan ▷ Passion photo

 

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